Maître Bensoussan répond à vos questions : Point sur l’état d'avancement du groupe de travail “vidéoprotection”


En partenariat avec le GPMSE (Groupement professionnel des métiers d’installateurs mainteneurs en sécurité électronique) et AASSET Security, le cabinet Bensoussan travaille sur un Livre blanc de la Vidéoprotection. Un premier bilan de la synthèse des problématiques soulevées par les membres du groupe de travail permet d’orienter les travaux sur trois préoccupations principales.



Maître Bensoussan répond à vos questions : Point sur l’état d'avancement du groupe de travail “vidéoprotection”
Vous avez lancé un groupe de travail “vidéoprotection” qui s’adresse aux acteurs du marché de la vidéoprotection et aux utilisateurs. Pourquoi ce groupe de travail, à l’heure où d’une part, la profession s’est dotée d’un Code de déontologie des métiers de la sécurité (1) et d’autre part, la loi a instauré un Code de la sécurité intérieure (2) ?
 
Avec de tels outils, on pourrait imaginer que les professionnels concernés sont parfaitement au fait du cadre juridique qui régit la vidéoprotection. Ce n’est pas vraiment le cas. On constate encore de nombreuses difficultés dues en grande partie à la complexité de la réglementation.
 
En réalité, le Code de la sécurité intérieure n’a fait que rendre plus facile l’interprétation de la perception de la différence entre système de vidéoprotection et système de vidéosurveillance. La première relève de la loi sur la sécurité intérieure. La seconde de la loi Informatique et libertés.
 
C’est certes une réelle avancée sur le plan pédagogique, mais il demeure une certaine ambiguïté quand il s’agit de savoir à partir de quand on parle de “vidéoprotection” ou de “vidéosurveillance”.* D’autant plus que les deux régimes peuvent se chevaucher, l’un n’étant pas exclusif de l’autre. Il y a aussi des difficultés en ce qui concerne les locaux ouverts au public où là aussi, les deux régimes peuvent s’entrechoquer.
 
Enfin, une autre difficulté est que la Cnil est désormais compétente en matière de vidéoprotection. Les premiers contrôles réalisés sur le terrain, ont démontré qu’il y a parfois des différences entre ce qui est déclaré et la réalité.
 
Nous avons donc jugé utile de créer un groupe de travail sur ces questions et de fonctionner comme un cercle de réflexion autour des activités de la vidéoprotection.
 
A terme, nos travaux pourraient aboutir à la rédaction d’un Livre blanc qui serait la somme de ces réflexions avec le double objectif de :
- présenter un état des lieux de la réglementation de la vidéoprotection,
- faciliter le travail des acteurs du marché au sens large (fabricants, prestataires et utilisateurs).
 
Quel est l’état d’avancement des travaux du groupe de travail ?
 
Les premières réunions ont eu pour objectif de recenser toutes les questions et les incertitudes des professionnels de la sécurité et utilisateurs de dispositifs. Nous avons pu constater qu’elles sont très nombreuses et très diverses :
- masquage des zones privées ;
- durée de conservation des images ;
- anonymisation ;
- exploitation des images, droit d’accès (qui - motivations - refus…) ;
- mesures de sécurité des dispositifs ;
- association de la reconnaissance faciale (système biométrique) à un dispositif de vidéoprotection ;
- délimitations exactes entre ce qui relève de la Cnil ou des préfectures (identification des périmètres) ;
- obligations de conseils et/ou informations émanant des professionnels du secteur (quelles responsabilités, quels acteurs, quelles limites ?) (…)
 
Ce n’est pas le seul constat. Nos premières réunions ont également permis de recenser les textes permettant de compléter le référencement légal et la jurisprudence associée en la matière.
 
Ce référentiel est au moins aussi abondants que les problématiques soulevées (pas moins de 6 pages) : depuis la première délibération de la Cnil en juin 1994, à l’Ordonnance du 12 mars 2012 qui a instauré le Code de la sécurité intérieure, en passant par les lois Loppsi1 et 2, la loi Pasqua de janvier 1995, les circulaires d’application, les CCTP, les chartes éthique et l’arrêté technique d’août 2007 qui aurait grand besoin d’un toilettage… Une cinquantaine de membres composent actuellement le groupe de travail : entreprises de sécurité, installateurs de systèmes et la télésurveillance, collectivités, services de police, banques, assurances, bailleurs sociaux...
 
Pouvez-vous nous dévoiler quelques-unes des thématiques sur lesquelles portera le livre blanc ?
 
Un premier bilan de la synthèse des problématiques soulevées par les membres du groupe de travail permet d’orienter les travaux sur trois préoccupations principales :
 
- La double déclaration “préfecture / Cnil” et le périmètre de la responsabilité : il faut en effet choisir entre l’une ou l’autre des formalités car elles entraînent chacune des contraintes et des obligations très différentes. Or, il y une grande difficulté à délimiter les périmètres respectifs. En outre, sur le plan pratique, les formalités à effectuer sont assez opposées. Autant les demandes d’autorisation en préfecture sont très détaillées (caméra par caméra), autant les déclarations à la Cnil sont davantage axées sur les finalités des dispositifs…
 
- Les CSU communaux et la mutualisation des images avec les services de police : l’analyse du référentiel met en avant les limitations de la réglementation actuelle jugée trop restrictive. Actuellement, les blocages réglementaires aboutissent à multiplier les CSU intercommunaux, faute de pouvoir partager les images. Outre les questions de coûts, cela pose également la question de l’efficacité des dispositifs. Le renvoi des images à l’ensemble de l’intercommunalité et aux forces de l’ordre permettrait une intervention plus rapide et plus efficace en cas de commission d’un délit (agression, vol, etc.). Il y a sans doute des compromis possibles sur la mutualisation des images…
 
- La norme NF EN 50132-7 de décembre 2012 (3) et sa compatibilité avec l’arrêté du 03-08-2007 toujours en vigueur : il y a de très grandes divergences qui rendent de plus en plus difficile l’application de l’arrêté. Qu’en est-il des systèmes de surveillance répondant à la norme de 2012 et qui seraient non conformes à l’arrêté de 2007 ? Un travail d’analyse et de recherche doit être effectué.
 
Quelles sont les perspectives d’évolution en matière de sécurité ?
 
Nous assistons aujourd’hui à l’émergence d’un nouveau droit : le “droit à la tranquillité”. Il est précisément défini dans l’article L 271-1 du Code de la sécurité intérieure : “Les propriétaires, exploitants ou affectataires (…) doivent, lorsque l'importance de ces immeubles ou de ces locaux ou leur situation le justifient, assurer le gardiennage ou la surveillance de ceux-ci et prendre les mesures permettant d'éviter les risques manifestes pour la sécurité et la tranquillité des locaux.”
 
Ce nouveau droit doit trouver sa place entre le droit à la prévention et le droit à la sécurité. Pour les professionnels de la sécurité, il se traduit par la naissance d’un nouveau secteur (la tranquillité ou le bien-être) et de nouveaux acteurs et métiers (Centre de supervision urbaine, Entreprises privées chargées d’administrer des CSU, Opérateurs de vidéosurveillance, Bureau d’étude et de conseil…).
 
Les bailleurs sociaux l’ont d’ailleurs compris puisqu’ils se regroupent dans des sociétés de sécurité pour assurer ce droit.
(1) Décret n° 2012-870 du 10 juillet 2012. (2) Ordonnance du 13 mars 2012.
 

Lundi 30 Septembre 2013
Evelyne Guitard
Evelyne Guitard