“Marchands de sommeils” : une nouvelle forme d’exploitation de la misère


La délinquance passe aussi par des atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité des personnes. En témoignent les situations frauduleuses et les trafics dans le domaine immobilier.
Pour Vidéosurveillance Infos, le Commandant de Police Thierry Toutin, membre d’un pôle départemental de lutte contre l’habitat indigne en région parisienne et intervenant en criminologie et en victimologie, décrypte cette exploitation de la misère et explique cette atteinte aux personnes dont le statut social est le plus souvent précaire.



Thierry Toutin, Commandant de police, intervenant en criminologue et en victimologie.
Thierry Toutin, Commandant de police, intervenant en criminologue et en victimologie.
Les “marchands de sommeil” sont une catégorie spécifique de propriétaires qui exploitent à l’extrême la détresse de publics très fragilisés. Les personnes au statut social précaire ou en séjour irrégulier sur le territoire français sont les cibles les plus exposées à ce genre de pratique. Sur fond de crise du logement, les bailleurs attirés par la rentabilité locative, s’enrichissent frauduleusement sur leur dos, en leur louant des logements insalubres, et/ou vétustes et/ou en suroccupation et/ou à des prix élevés. 
 
Ces individus peu scrupuleux sont poursuivis par les tribunaux, à la suite d’un dépôt de plainte ou sur signalement des services municipaux, des services sociaux ou de toute autre personne. Ils disent vouloir aider les personnes les plus démunies mais, en réalité, ils leur louent des logements sans bail ni assurance, parfois insalubres et à des tarifs bien souvent indécents. Les agissements des “marchands de sommeil” relèvent de plusieurs infractions, dont les éléments constitutifs s’entrecroisent selon la législation et les codes concernés. 
 
I — Des abus multiformes concernant plusieurs législations 
 
Le phénomène des “marchands de sommeil” concerne à chaque fois au moins deux personnes : le propriétaire du logement et le locataire du logement. Pour être mis en cause, le propriétaire indélicat doit avoir abusé d’une personne en lui louant un logement insalubre et/ou en suroccupation, généralement assorti d’un loyer excessif. Le bien loué ne permet pas à l’occupant de vivre décemment. 
 
Ce constat est fortement étayé quand l’insalubrité du logement a été préalablement constatée par les autorités locales, notamment par le comité municipal d’hygiène et de sécurité. Dans les autres cas, le but de la loi n’est pas de s’attaquer aux “petits propriétaires” qui louent un logement légèrement trop cher. Il faut vraiment que le prix des locations soit très élevé pour des biens qui ne sont pas dans un état permettant d’y habiter. 
 
Quant au locataire, il doit être considéré, au sens où la loi le prévoit, comme une personne vulnérable, soit en raison de sa situation administrative (ressortissant étranger en situation de séjour irrégulier, par exemple), soit en raison de sa situation sociale (situation de précarité, de surendettment, de perte d’emploi). La situation du locataire qui n’aura pas eu d’autre choix que d’accepter la location d’un logement indécent sera examinée.  
 
Plusieurs éléments constitutifs doivent être réunis pour constituer l’une des infractions prévues par la loi, relevant de la pratique des “marchands de sommeil”. Parmi ces infractions, sans prétendre à l’exhaustivité, nous citerons les plus adaptées à la lutte contre cette dérive : 
 
 - Les délits relatifs à l’hébergement de personnes vulnérables 
La vulnérabilité peut être apparente ou cachée. Elle concerne les personnes âgées, handicapés physiques ou mentales mais également les étrangers en situation irrégulière. Selon les juristes, le tribunal n’est pas très exigeant quand il s’agit de caractériser la “vulnérabilité” d’une personne. L’article 225-14 du code pénal prévoit que : “Le fait de soumettre une personne, en abusant de sa vulnérabilité ou de sa situation de dépendance, à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine est puni de 5 ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.” 
 
- La suroccupation de locaux d’habitation 
Cette infraction est prévue par le code de la santé publique aux articles L1331-23 et suivants. Ils donnent pouvoir au Préfet de mettre en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition, dans de telles conditions, de faire cesser cette situation dans un délai qu’il fixe : “Des locaux ne peuvent être mis à disposition aux fins d’habitation, à titre gratuit ou onéreux, dans des conditions qui conduisent manifestement à leur suroccupation. Le représentant de l’Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition dans de telles conditions de faire cesser cette situation dans un délai qu’il fixe.”  
 
Les dispositions de l’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation sont applicables aux locaux visés par la mise en demeure. La personne qui a mis les locaux à disposition est tenue d’assurer le relogement des occupants affectés par l’exécution de cette mise en demeure dans les conditions prévues au II de l’article L. 521-3-1 du même code. A défaut, les dispositions de l’article L. 521-3-2 sont applicables. Le code de la santé publique prévoit notamment une série de sanctions dans la but d’infléchir ces comportements frauduleux (1).  
 
Par ailleurs, la notion de suroccupation est précisée dans le code de la sécurité sociale (article D542-14) et correspond à une surface d’envi-ron 9 m2 par personne. 
 
Le code de la construction et de l’habitation complète les dispositions ci-dessus en donnant la possibilité de faire désigner un administrateur provisoire pendant les poursuites si la situation identifiée est susceptible de porter atteinte à la dignité humaine, à la sécurité des person-nes ou à la santé publique (articles L. 651-10 et R. 651-2). La vétusté relève en général de péril ordinaire elle est prévue aux articles  L.511-1, L.511-1-1, L.511-2 et L.511-5 du Code de la Construction et de l’habitat, ou du péril imminent qui est prévu aux mêmes articles et à l’article L.511-3 du CCH. 
 
- Aide au séjour aggravée par les conditions de vie, d’hébergement, de travail ou de transport 
Les articles L 622-1 et suivants du CESEDA (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) répriment le délit d’aide à l’entrée et au séjour irréguliers d’étrangers. Cette situation aggrave le cas de l’auteur qui a exposé des étrangers clandestins à des conditions de vie, de travail, d’hébergement ou de transport incompatibles avec la dignité humaine.  
 
- Atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne 
La chambre criminelle de la Cour de cassation a retenu la responsabilité pénale d’un administrateur de biens, chargé de la gestion d’un appartement, à la suite du décès des occupants par intoxication à l’oxyde de carbone, considérant que le prévenu avait été informé par le précédent locataire du mauvais état du chauffe-eau et n’avait pas fait procéder à l’examen de l’état de l’appareil avant de conclure un nouveau bail (Crim, 1er juillet 1976). L’infraction d’homicide involontaire a également été retenue à l’encontre d’un exploitant d’hôtel qui n’avait pas répondu aux recommandations de la commission municipale de sécurité, provoquant le décès de quatre personnes à la suite d’un incendie survenu dans l’hôtel (Crim, 20 septembre 1993). 
 
- La mise en danger de la personne 
Afin de caractériser cette infraction, les investigations doivent préciser en quoi la non-conformité d’un logement à des normes de sécurité expose les occupants à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente (ex: risque d’incendie, risque d’explosion, risque d’intoxication...).  
 
- La location d’appartements à la découpe 
L’article L111-6-1 du code de la construction et de l’habitation modifié par la loi N°2009-323 du 25 mars 2009 – art.86, prévoit notamment l’interdiction de toute division d’immeuble en vue de mettre à disposition des locaux à usage d’habitation d’une superficie et d’un volume habitables inférieurs respectivement à 14 m2 et à 33 m3 ou qui ne sont pas pourvus d’une installation d’alimentation en eau potable, d’une installation d’évacuation des eaux usées ou d’un accès à la fourniture de courant électrique, ou qui n’ont pas fait l’objet de diagnostics amiante et risque de saturnisme… 
 
Sont punies d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 75 000 euros les personnes qui mettent en vente, en location ou à la disposition d’autrui des locaux destinés à l’habitation et provenant d’une division réalisée en méconnaissance des interdictions définies au présent article. Les sanctions pénales encourues sont de 2 ans de prison,  75 000 euros d’amende, quintuplée pour les personnes morales avec confiscation de l’immeuble incriminé. 
 
- L’insalubrité 
Les occupants des immeubles touchés par un arrêté d’insalubrité ont des droits similaires à ceux touchés par un arrêté de péril imminent ou ordinaire. Le non-respect d’un arrêté de ce type est sanctionné pénalement. L’insalubrité, remédiable ou irrémédiable, concerne tous les locaux utilisés à des fins d’habitation, les locaux impropres par nature à l’habitation (caves, combles…), et frappés d’arrêtés préfectoraux.  
 
Le fait de ne pas déférer à une injonction préfectorale et le fait de refuser sans motif légitime et après mise en demeure d’exécuter les mesures prescrites (insalubrité remédiable, suroccupation et cave). Le fait de dégrader, détériorer, détruire des locaux ou de les rendre impropres à l’habitation dans le but d’en faire partir les occupants est également passible de sanctions (article L 1337-4 du Code de la santé publique).  
 
- Squats et trafics de faux baux de location 
Différentes formes de squats, qui peuvent concerner des logements vides ou occupés, sont assimilés à la problématique des “marchands de sommeil”.  
 
* Les squats de logements vides : Ces logements sont loués moyennant finance, sur la base d’un faux contrat de location. La victime est le locataire qui a signé de bonne foi un faux contrat de bail sans le savoir. L’escroc se volatilisera avec en poche un mois de loyer payé et un à deux mois de caution versée d’avance.  
 
* Les squats de logements occupés : Dans ce cadre la situation est enco-re plus grave. L’escroc profite de l’absence des occupants, notamment pendant les périodes de congés ou d’absences prolongées, pour changer les verrous et serrures d’entrée des logements de ces derniers. A leur retour les vrais propriétaires (ou vrais locataires) constatent que leur appartement est occupé par des personnes de bonne foi mais dont le bail est entièrement faux. Quand à l’escroc, il disparaît avec la caution et un mois de loyer, laissant les victimes dans des situations administratives et financières inextricables. 
  
Pour compléter le tableau notons que, parfois, quelques agences immobilières sont également soupçonnées de favoriser cette forme d’exploi-tation portant sur la location d’appartements de type F5/F6 à plusieurs familles, en utilisant des rabatteurs qui proposent des locations avec des montants de charges délibérément sous-estimés. 
 
L’escroquerie est un délit prévu à l’article 313-1 du code pénal qui précise que cette infraction est punie de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. 
 
- La fraude aux allocations versées par la Caisse d’allocations fami-liales (CAF) 
Le trafic immobilier peut conduire au détournement des versements de la CAF, au profit de marchands de sommeil. Une expérimentation de déclaration préalable (obligatoire) de mise en location avait été mise en place en 2010 mais est progressivement tombée en désuétude. Le bilan de cette opération reste modéré, car les personnes qui jouaient le jeu de la déclaration ne correspondaient pas aux fraudeurs habituels. D’autre part, ce dispositif n’était pas assorti de sanctions suffisamment dissuasives (la CAF pouvait seulement mettre un terme au versement de l’allocation directement réglée au propriétaire). 
 
La recrudescence des fraudes aux aides aux logements, rendues pos-sibles par la production de faux baux et de fausses attestations de loyer, correspondant à des logements fictifs, a conduit la branche Famille à privilégier de plus en plus la sécurisation des informations à la source. 
 
Ainsi, la notion de résidence fiscale étant proche de la notion de résidence d’allocataire, des échanges d’informations ont eu lieu, à titre expérimental entre la CAF et la Direction générale des finances publiques. La Dgfip détient des fichiers dans lesquels les logements sont clairement identifiés par adresse, par un numéro invariant et, pour les propriétaires, par leur identité.  
 
Mais des obstacles persistent. Des difficultés liées à l’appariement des adresses et noms de propriétaires (libellés d’adresses et noms de propriétaires différents entre la Dgfip et la CAF) ont rendu ces échanges peu probant.  
 
Selon les organismes concernés, seule l’utilisation d’un identifiant commun des logements permettrait d’envisager des recoupements fiables permettant de détecter d’éventuelles anomalies. Il peut s’agir du numéro invariant du logement (numéro unique pour un logement) ou du numéro communal (numéro rattaché au propriétaire et pouvant concerner plusieurs logements dans une même commune).  
 
- La fraude au préjudice des consommateurs 
La direction départementale de protection des populations (ex direction générale du commerce, de la consommation de la répression des fraudes) est compétente en matière de code de la consommation, code du commerce, et autres textes non codifiés. Elle l’est notamment au titre de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, ainsi que sur ce qui relève de présentations de nature à induire en erreur (contrats de location, publicités et prix affichés en agences et syndics…) 
 
Des situations scandaleuses dont la presse se fait parfois l’écho 

Impossible de connaître le nombre exact d’habitants dans la copropriété géante de “G2”. Officiellement, ils devraient être près de 13 000. Selon les estimations de la mairie et des syndicats de copropriétaires, ils seraient plutôt entre… 17 000 et 20 000. Parmi eux, il y a des squatteurs, de faux propriétaires qui louent des logements qui ne leur appartiennent pas et des “marchands de sommeil” qui profitent de la crise du logement.  
 
La presse écrite(2) rapportera la condamnation de l’un d’eux par le tribunal de Grande Instance d’Evry, à deux ans de prison avec sursis. Dans un de ses appartements, quatorze locataires s’entassaient et partageaient le même sanitaire. “Ce quartier est le royaume des ‘marchands de sommeil’ qui profitent de la vulnérabilité financière et administrative de certains pour maximiser leurs profits”, assure le magistrat du parquet en charge des poursuites. Les sans-papiers constituaient les cibles privilégiées du mis en cause. Moi, je ne veux pas savoir ce qu’il se passe à l’intérieur, avance-t-il. Le bail est au nom d’une seule personne, après, impossible de savoir si le locataire ramène du monde.” 
 
La municipalité et le syndicat des copropriétaires avaient alerté le propriétaire des nuisances causées par les locataires, beaucoup trop nombreux dans ses appartements découpés en mini-pièces de 10 m2 où logeaient des familles entières. “Les conditions d’hébergement étaient indignes, tranche le président du tribunal. Les murs étaient couverts de moisissures, les fils électriques étaient dénudés. Dans les chambres, il était impossible de faire un pas sans marcher sur un matelas.” 
 
Durant près d’un an, dans cinq appartements de G. et une maison à M, ce marchand de sommeil demandait des loyers allant de 350 € à 600 € par famille, pour un bénéfice mensuel de 6 440 €, sans aucune déclaration au fisc. A la suite d’une plainte de la mairie et des copropriétaires, ce trafic a été démantelé en mai 2008. Depuis, le marchand de sommeil a presque tout perdu. “Je ne pouvais plus louer, donc plus rembourser mes crédits. Je ne possède plus que ma maison à M. et un studio à G. qui va être saisi”, soupire ce père de famille. En plus de la prison avec sursis et d’une amende de 20 000 €, le tribunal a demandé la confiscation du pavillon. 
 
II — Difficultés liées à la détection des trafics immobiliers ? 
 
Les modes de signalement dénonçant un "marchand de sommeil" sont pourtant multiples : soit la victime dépose plainte et une action judiciaire sera engagée, soit les services sociaux de la mairie porteront les faits à la connaissance des autorités préfectorales et judiciaires, soit un voisin, un gardien d’immeuble ou toute autre personne dénoncera cette pratique aux autorités municipales. 
 
Dans les faits, les victimes sont rarement elles-mêmes à l’origine des plaintes, par peur des représailles du propriétaire. Les signalements proviennent majoritairement des services municipaux, alertés par des voisins, gardiens ou conseillers syndicaux. Les services “Logement et Hygiène et sécurité” sont les services vers lesquels convergent la majorité des signalements suspects. Les travailleurs sociaux, les assistantes sociales et les associations sont également très présents en ce domaine. 
 
L’absence de plainte des victimes ne porte pas préjudice à la procédure judiciaire. La Justice peut parfaitement agir et engager une action publique, en l’absence de tout plaignant. L’essentiel est de caractériser l’infraction à l’instar d’autres infractions tels les trafics de stupéfiants, par exemple. 
 
Lorsqu’il s’agit de signalements aux services municipaux, la collectivité essaie de visiter le logement afin de constater la situation. Quant aux plaintes relatives aux situations de squat, elles sont directement recueillies par la police.  
 
L’identification des logements et des locataires : une difficulté majeure 
 
L’un des principaux obstacles d’une lutte efficace contre les “marchands de sommeil”, tient à ce qu’il est actuellement très difficile, voire impossible, d’identifier précisément un logement posant problème et de faire le lien entre le logement et les occupants. 
 
A titre d’exemple, dans les fichiers CAF, les allocataires sont référencés par leur adresse postale. Il n’est pas fait mention d’un numéro d’appartement qui d’ailleurs n’existe pas toujours. A terme, il est toutefois prévu que ces fichiers soient complétés par un identifiant unique commun avec l’administration fiscale, dans le cadre de la mise en place d’un nouvel outil informatique. 
 
Pas plus que la CAF, les communes ne disposent pas d’une liste claire d’appartements et de locataires.  
 
D’autre part, au-delà de la faisabilité technique d’une exploitation des fichiers appartement par appartement, se pose la question de la compatibilité juridique d’un éventuel croisement de fichiers avec les exigences relatives à la CNIL
(loi n° 78-17 du 6 janvier 1978). 
 
De multiples obstacles à l’identification de situations frauduleuses 
 
Parmi les obstacles identifiés, outre le recours à des faux contrats de loca-tion, dont nous avons déjà parlé, citons également les transactions en espèces, les changements fréquents de locataires et la pression que ceux-ci subissent. Que cette pression vienne ou non du bailleur. Pour des étrangers en situation irrégulière ce type logement est considéré comme l’unique alternative à la rue. A cela il convient d’ajouter le caractère parfois très organisé de cette délinquance et la multiplicité des syndics de gestion plus ou moins fiables.  
 
 
Une approche transversale 
 
Les Pôles Départementaux de Lutte contre l’Habitat Indigne (PDLHI) ont été créés dans le cadre de la circulaire du 22 février 2008 relative à la mise en œuvre du chantier national prioritaire pour l’hébergement et l’accès au logement. Ils ont pour vocation de mettre en synergie les différents partenaires sur cette thématique transversale par nature afin de dé-velopper le repérage des situations et de conduire jusqu’à son terme le traitement de ces situations (travaux d’offices, mesures coercitives, signalement à l’autorité judiciaire). L’intensification de ces structures a été promue par les circulaires de la Délégation Interministérielle pour l’Hébergement et l’Accès au Logement (DIHAL) du 8 juillet 2010 et du  12 mars 2012. 
 
Une enquête particulière 
 
Comme nous l’avons exposé il n’est pas aisé de repérer les situations frauduleuses. Bien souvent une situation d’exploitation de la misère est découverte lors de procédures incidentes relatives à d’autres infractions parfois aux antipodes. Les dénonciations et signalements peuvent être diligentés par toute personne ou organismes (syndics, agents d’entretien, municipalités, service sociaux, gardiens d’immeubles, voisins…) ou par la plainte des victimes au commissariat ou directement auprès du Procureur de la République. 
 
Le dossier devra comporter les éléments suivants : 
- une description précise du logement mis en cause, 
- le service enquêteur doit renseigner une grille d’évaluation simplifiée (modèle “logement privé” ou modèle “hôtel”, selon le cas), 
- un album photographique des lieux, 
- l’arrêté du maire ou du préfet s’il y en a un et la preuve de sa notification au propriétaire, 
- les auditions des locataires, 
- les plaintes le cas échéant, 
- si le propriétaire des murs et / ou l’exploitant est une personne morale, il sera nécessaire de relever la raison sociale et le numéro SIREN et joindre un extrait Kbis, 
- les auditions des services communaux et / ou préfectoraux lorsqu’il y a un arrêté : avis à ces services lorsqu’une date de convocation devant le Tribunal est délivrée au propriétaire ; un état des fraudes éventuelles : fraudes fiscales, fraudes aux prestations sociales ou au tiers payant. 
Dans la mesure du possible, le volet patrimonial concernant le train de vie du propriétaire indélicat sera très apprécié du Tribunal. Notamment si des saisies pénales sont envisagées.  
 
III — Les suites pénales possibles 
 
Le Classement sans suite 

Les faits les moins graves qui ne traduisent ni une situation de danger, ni une mauvaise foi particulière du propriétaire ou une exploitation de la vulnérabilité d’autrui, peuvent donner lieu à un classement sans suite sous condition de régularisation, de réalisation de travaux ou de relogement des occupants, qui doivent être vérifiés par les enquêteurs.  
 
La Convocation par Reconnaissance Préalable de Culpabilité 

La CRPC est réservée à des cas d’une gravité peu importante, lorsqu’il est démontré, par exemple, que le propriétaire, bien qu’ayant eu connaissance de la situation du logement (indignité ou insalubrité constatée par arrêté), n’avait pas les moyens de reloger les occupants ou de réaliser les travaux nécessaires. 
 
La Convocation devant le Tribunal 

En présence de situations mettant en péril la sécurité des occupants de l’immeuble, il convient d’engager des poursuites à l’encontre du propriétaire de mauvaise foi ou désinvolte.  
 
La procédure qu’il convient d’engager en priorité est la convocation par procès verbal avec réquisitions de placement sous contrôle judiciaire, lequel doit comporter les obligations suivantes : 
- obligation de verser un cautionnement (dont le montant est à calculer en se basant sur le montant des loyers perçus pendant la période de prévention), 
- interdiction d’entrer en contact avec les locataires, 
- interdiction d’exercer la profession d’administrateur (s’il y a lieu). 
 
La comparution immédiate est généralement réservée aux propriétaires en état de récidive légale ou aux situations les plus graves.  
 
L’ouverture d’information 

Elle est réservée aux cas les plus complexes : notamment dans les cas de multigérance de SCI ou de de nécessité d’investigations approfondies de natures patrimoniales. Un administrateur provisoire de l’immeuble en cause sera nommé pendant la durée de l’instruction. 
 
La confiscation des biens produits ou instruments de l’infraction

Les biens qui peuvent être saisis sont les biens confiscables (art. 131-21 du code pénal. Loi du 5/03/07). 

Le principe est le suivant : la confiscation du produit de l‘infraction ou de l‘instrument de l‘infraction est encourue de plein droit dès lors que le crime ou le délit est puni d‘une peine supérieur à un an d‘emprisonnement.     
 
Le bien doit être en lien avec l‘infraction. Il s‘agit des biens meubles ou immeubles quelle qu‘en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l‘infraction. Les biens qui sont l‘objet ou le produit direct ou indirect de l‘infraction, tels les logements vétustes ou insalubres ayant accueilli des familles en difficulté, par exemple.  

La loi Warsmann relative à la confiscation des avoirs criminels a rajouté les droits incorporels, divis ou indivis (ex : droits d‘auteur), les biens non justifiés pour les infractions punies de 5 ans d‘emprisonnement et les biens correspondants à la valeur d‘un bien n‘ayant pas pu être saisi (il s‘agit de la confiscation en valeur ou par équivalence). 
 
IV — Conclusion 
 
Les abus des “marchands de sommeil” constituent un système pernicieux qui semble se développer de plus en plus dans les villes et les banlieues. Il est impossible, pour le moment, d’évaluer son ampleur. Les propriétaires indélicats prolifèrent et évoluent au gré des circonstances et du marché au préjudice de populations paupérisées et exclues du logement. 
 
Au-delà de l’immoralité du système, ces personnes contribuent à l’insalubrité des banlieues car elles ne paient pas les charges. Du coup, cette situation est vécue par les autres locataires comme une véritable injustice, facteur supplémentaire de déstabilisation sociale.  
 
Dans les vingt-quatre bâtiments de dix étages d’une cité de la Seine-Saint-Denis, pas un seul ascenseur ne fonctionne, faute d’argent pour les réparer. 
 
Quelle solution préconiser ? Pour certains, le lancement d’une large campagne d’information permettrait aux populations concernées de ne pas rester isolées, coincées dans une situation qu’ils ont accepté au départ,  
faute de tout autre solution. Pour d’autres, une stricte application de loi portant sur la confiscation des biens loués, serait de nature à dissuader davantage ce type de profiteurs. 
 
(1) Article L1337-4 : Est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 50 000 euros, le fait de ne pas déférer à une injonction prise sur le fondement du premier alinéa de l’article L. 1331-24, le fait de refuser, sans motif légitime et après une mise en demeure, d’exécuter les mesures prescrites en application du II de l’article L. 1331-28. Est puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 Euros, le fait de ne pas déférer à une mise en demeure du représentant de l’Etat dans le département prise sur le fondement de l’article L. 1331-23. Est puni d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 100 000 Euros, le fait de ne pas déférer, dans le délai fixé, à une mise en demeure du représentant de l’Etat dans le département prise sur le fondement de l’article L. 1331-22, le fait, à compter de la notification de la réunion de la commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires ou technologiques prévue par l’article L. 1331-27 ou à compter de la notification de la mise en demeure lorsque ces locaux sont visés par des mesures prises sur le fondement des articles L. 1331-22, L. 1331-23, L. 1331-24, L. 1331-25 et L. 1331-26-1, de dégrader, détériorer, détruire des locaux ou de les rendre impropres à l’habitation de quelque façon que ce soit dans le but d’en faire partir les occupants, le fait, de mauvaise foi, de ne pas respecter une interdiction d’habiter et le cas échéant d’utiliser des locaux prise en application des articles L. 1331-22, L. 1331-23, L. 1331-24, L. 1331-25 et L. 1331-28, le fait de remettre à disposition des locaux vacants ayant fait l’objet de mesures prises en application des articles L. 1331-22, L. 1331-23 et L. 1331-24 ou déclarés insalubres en application des articles L. 1331-25 et L. 1331-28.Elle relève du code de la santé publique (L.1331-25 et L.1331-26). 
 
(2) Le “marchand de sommeil” tombe de haut - Le Parisien.fr – 14 mars 2012. 
 
 

Annexes : textes réglementaires relatifs aux marchands de sommeil

“Marchands de sommeils” : une nouvelle forme d’exploitation de la misère
Code pénal  
 
V.-Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues par les 2°, 4°, 8° et 9° de l’article 131-39 du même code. La confiscation mentionnée au 8° de l’article 131-39 du même code porte sur le fonds de commerce ou l’immeuble destiné à l’hébergement des personnes et ayant servi à commettre l’infraction. 

VI.-Lorsque les poursuites sont engagées à l’encontre d’exploitants de fonds de commerce aux fins d’hébergement, il est fait application des dispositions de l’article L. 651-10 du code de la construction et de l’habitation. » 
 
Code de la santé publique (définition de la suroccupation) 
 
Article D542-14 : 
« […] Le logement au titre duquel le droit à l’allocation de logement est ouvert doit être occupé à titre de résidence principale et répondre aux conditions suivantes :  

[condition de logement décent, cf. remarque ci-dessous] 

Présenter une surface habitable globale au moins égale à seize mètres carrés pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de neufs mètres carrés par personne en plus dans la limite de soixante-dix mètres carrés pour huit personnes et plus. » 

A noter, le 1° de l’article fait référence au logement « décent » tel que défini par le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002, mais les logements de Grigny 2 ne soulèvent à priori pas cette question (ils disposent bien de système de chauffage, d’électricité, de toilettes, etc., l’insalubrité constatée étant liée à la suroccupation et non à l’absence d’équipement dans chaque appartement) 
 
Code de la construction et de l’habitation 
 
Article L651-10
« I. - Lorsqu’à l’occasion de poursuites exercées sur le fondement de l’article 225-14 du code pénal, des articles L. 1337-4 du code de la santé publique et L. 511-6, L. 521-4 et L. 123-3 du présent code, il est avéré que la continuation de l’exploitation d’un établissement d’hébergement des personnes est contraire aux prescriptions du règlement sanitaire départe-mental ou est susceptible de porter atteinte à la dignité humaine, à la sécurité des personnes ou à la santé publique, l’autorité administrative compétente peut saisir sur requête le président du tribunal de grande instance ou le magistrat du siège délégué par lui, aux fins de faire désigner un administrateur provisoire pour toute la durée de la procédure ; les organismes bénéficiant d’un agrément relatif à l’intermédiation locative et la gestion locative sociale prévu à l’article L. 365-4 peuvent être désignés en qualité d’administrateur provisoire. 
 
II. - Le ministère public porte à la connaissance du propriétaire de l’im-meuble et du propriétaire du fonds dans lequel est exploité l’établissement visé au I l’engagement des poursuites ainsi que les décisions de désignation d’un administrateur provisoire ou de confiscation intervenues. Il fait mentionner la décision de confiscation au registre du commerce et des sociétés et aux registres sur lesquels sont inscrites les sûretés. Les modalités d’application de cette information sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. 
 
III. - Lorsque la personne titulaire de la licence de débit de boissons ou de restaurant ou propriétaire du fonds de commerce dans lequel est exploité un établissement visé au I n’est pas poursuivie, les peines complémentaires prévues aux 2° et 3° de l’article 225-16 et aux 3° et 5° de l’article 225-19 du code pénal ne peuvent être prononcées, par décision spéciale et motivée, que s’il est établi que cette personne a été citée à la diligence du ministère public avec indication de la nature des poursuites exercées et de la possibilité pour le tribunal de prononcer ces peines. Cette personne peut présenter ou faire présenter par un avocat ses observations à l’audience. Si elle use de cette faculté, elle peut interjeter appel de la décision prononçant l’une de ces peines complémentaires. 
 
IV. - La décision qui prononce la confiscation du fonds de commerce entraîne le transfert à l’Etat de la propriété du fonds confisqué et emporte subrogation de l’Etat dans tous les droits du propriétaire du fonds. » 
 
Code de la santé publique et insalubrité 
 
Article L1331-25 
« A l’intérieur d’un périmètre qu’il définit, le représentant de l’Etat dans le département peut déclarer l’insalubrité des locaux et installations utilisés aux fins d’habitation, mais impropres à cet objet pour des raisons d’hygiè-ne, de salubrité ou de sécurité. 
L’arrêté du représentant de l’Etat dans le département est pris après avis de la commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires ou technologiques à laquelle le maire ou, le cas échéant, le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat est invité à présenter ses observations, et après délibération du conseil municipal ou, le cas échéant, de l’organe délibérant de l’établissement public.  
Cet arrêté vaut interdiction définitive d’habiter et d’utiliser les locaux et installations qu’il désigne.  
Les dispositions des I et III de l’article L. 1331-28, des articles L. 1331-28-1 et L. 1331-28-2, du I de l’article L. 1331-29 et de l’article L. 1331-30 sont applicables. » 
 
Article L1331-26 
« Lorsqu’un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d’immeubles, un îlot ou un groupe d’îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l’Etat dans le département, saisi d’un rapport motivé du directeur général de l’agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l’article L. 1422-1, du directeur du service communal d’hygiène et de santé concluant à l’insalubrité de l’immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d’environne-ment, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : 
Sur la réalité et les causes de l’insalubrité ; 
Sur les mesures propres à y remédier. 
L’insalubrité d’un bâtiment doit être qualifiée d’irrémédiable lorsqu’il n’existe aucun moyen technique d’y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. 
Le directeur général de l’agence régionale de santé établit le rapport prévu au premier alinéa soit de sa propre initiative, soit sur saisine du maire, du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de logement et d’urbanisme, soit encore à la demande de tout locataire ou occupant de l’immeuble ou de l’un des immeubles concernés. 
Le maire de la commune ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale, à l’initiative duquel la procédure a été engagée, doit fournir un plan parcellaire de l’immeuble avec l’indication des noms des propriétaires tels qu’ils figurent au fichier immobi-lier.  
Lorsque cette initiative a pour objet de faciliter l’assainissement ou l’aménagement d’un îlot ou d’un groupe d’îlots, le projet d’assainissement ou d’aménagement correspondant est également fourni. » 
 
 
 


Lundi 3 Février 2014
Evelyne Guitard
Evelyne Guitard


https://videosurveillance-infos.com/downloads/Demandez-la-derniere-Lettre-_t8125.html
Abonnez-vous !
Sécurité privée : une Délégation aux Coopérations de Sécurité va voir le jour…: Confiée au préfet Jean-Louis...
Vendredi 28 Février - 11:10
Les élus du FFSU prônent une police nationale au service des citoyens: Réunis le 26 février 2014, les élus du...
Vendredi 28 Février - 10:50
FIPD : 54,6 millions d’euros en 2014: Cette année, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance...
Jeudi 27 Février - 12:55
La délinquance en 2013 : les chiffres à retenir: L’Observatoire national de la délinquance et des réponses...
Mardi 25 Février - 11:55
Article n°1506:   19 479 policiers municipaux pour 4 349 communes   Selon les chiffres rendus publics...
Mardi 25 Février - 11:46